Angel SANCHEZ

Le parcours d’Angel Sanchez est celui d’un tout jeune homme que les multiples sanctions politiques n’ont pas réussi à détourner de ses combats pour la liberté et contre la guerre. C’est aussi celui d’une évasion réussie, et d’un engagement profond dans l’Amicale du camp de concentration du Vernet d’Ariège.

Angel Sanchez naît le 1er mars 1922 à Irun, dans la province de Guipuzcoa en Espagne. Il arrive en France avec sa famille à l’âge de deux ans et passe toute son enfance et son adolescence à Casteljaloux, dans le Lot et Garonne. En octobre 1940, il s’engage dans la résistance communiste dans le réseau Méric. Il a 18 ans. À la suite de dénonciations et d’enquêtes, le réseau est démantelé. Entre le 30 juin et le 4 juillet 1941, 29 personnes sont arrêtées.

Angel Sanchez. Photo de sa fiche de renseignement établie au camp de concentration du Vernet d’Ariège. ©Coll. part. Fernando Sanchez

Angel est arrêté le 1er juillet et après 1 mois de prison préventive à Agen, le tribunal correctionnel de Marmande le condamne à 2 ans de prison avec sursis, étant mineur, assortis de 10 ans de privation des droits civiques, pour distribution de tracts communistes. Ses camarades, plus âgés, sont durement punis avec des condamnations allant de 15 ans de travaux forcés pour Méric (qui sera déporté et périra à Buchenwald) et de 4 à 10 ans pour d’autres. Certains seront déportés à Dachau ou Auschwitz. Sur la dizaine de personnes condamnée, seules 4 ou cinq reviendront de déportation.

Angel Sanchez est envoyé en résidence surveillée à Villeneuve de Duras, à l’autre extrémité du département du Lot et Garonne, sous la surveillance des gendarmes qui passent quasi quotidiennement à la ferme où il travaille pour remplacer le paysan, prisonnier en Allemagne. Il y restera jusqu’au 9 décembre 1942, lorsque deux gendarmes l’escortent jusqu’au camp de concentration du Vernet d’Ariège. Il est interné au quartier B sous le n° 10199, puis au quartier C, baraque 65, vers fin février 1943. Le 30 novembre 1943, il parvient à s’évader avec l’aide de Cristobald Alcantara, un des responsables communistes du camp qui organise ce départ depuis l’intérieur du camp.

Caricature d’Angel Sanchez, dessinée par Texidor au camp du Vernet. ©Coll. part. Fernando Sanchez

Réfugiés au camp d’internement de Varembé, 1942. Staatsarchiv Aargau/Willy Roetheli/RBA1-10-75_2

Visite de la mère et de deux des sœurs d’Angel Sanchez à l’été 1943, qui lui servira à préparer son évasion. A gauche sur la photo, le gardien qui encadre cette sortie.

©Coll. part. Fernando Sanchez

Par la suite, et dans la perspective de la Libération que l’on savait prochaine, la direction du parti communiste d’Espagne au sein du maquis lui confie la mission de passer en Espagne afin de chercher des contacts pour préparer, après la fin de la guerre et la défaite des fascistes, le retour des républicains afin de chasser Franco. Cette mission semblait peu risquée, puisqu’il n’a pas été combattant de la guerre d’Espagne, mais après un passage par Perpignan où un passeur lui fait franchir les Pyrénées, il est arrêté en route vers Barcelone et conduit à la Guardia Civil.

Après deux mois d’interrogatoires et d’enquête, il est finalement envoyé à Madrid faire les deux ans de service militaire qu’il n’avait pas fait. Il prend la mesure de l’impitoyable répression franquiste, qui n’a laissé que peu de survivants et plonge la société espagnole dans la peur. Il comprend également que la dictature franquiste ne sera pas renversée. Cette période lui laissera un souvenir amer, lui qui avait côtoyé au Vernet les combattants républicains, les anciens brigadistes et les résistants.

Après deux ans d’armée, qui feront de lui un antimilitariste convaincu, il rejoint son frère au sud de Salamanca, où il apprend auprès de lui le métier de menuisier, puis part à Barcelone, où il se marie en janvier 1949. Son épouse et lui ne voyant pas d’avenir en Espagne, et leurs deux familles vivant en France, ils demandent à émigrer. Suite au refus des autorités, ils décident de partir et, prétextant un voyage de noces, obtiennent au mois de juin 1949 un sauf-conduit de trois jours en Andorre, d’où ils traversent à pied les Pyrénées et obtiennent le statut de réfugiés politiques, conformément aux statuts de la convention de Genève. Installé à Caen, il se voit par deux fois refuser la nationalité française, à cause de ses deux condamnations en 1941, puis par défaut en 1944 à deux ans de prison pour évasion. Resté fidèle à ses idéaux, il s’est tenu à l’écart d’engagements politiques pour éviter une expulsion, dans le contexte de l’opération Boléro Paprika.

De retour à Toulouse en 1972, il prend contact avec l'Amicale et gagne en responsabilités. Il en devient Secrétaire à la fin des années 1970. Son fils, qui l’accompagne régulièrement, devient trésorier en 1983. Il travaille au projet de musée et pour combler l’absence d’archives, réalise en 1985 la maquette du camp. La même année, il retourne en Espagne pour la première fois.

Il décède en 1989, trois ans après l’inauguration du musée.

Angel Sanchez lors de l’inauguration du Musée du camp de concentration du Vernet d’Ariège. ©Coll. part. Fernando Sanchez