Aron LANGER, dit « Jules »

Aron LANGER, dit « Jules »

Aron Langer fait partie des internés d’extraction modeste. Juif polonais, ayant fui son village près de Varsovie en 1915, et que la vie a conduit jusqu’en France, où il se marie et a deux enfants : Philipp et Maria.

Son histoire nous est parvenue grâce au récit de Friedrich Wolf qui décrit, dans son texte intitulé « Jules », cet homme simple, arrêté après avoir donné un peu d’argent à une collecte pour la guerre d’Espagne.

Malade dès son arrivée au camp du Vernet, son état se dégrade, faute de médicaments et de conditions de vie acceptables. Son premier surnom, « Le petit manteau », nous rappelle qu’il est dépourvu de tout : couverture, vêtement de rechange… Lors d’une scène dramatique au cours de laquelle un gardien s’apprête à abattre un enfant qui avait franchi les barbelés pour voir son père dans le camp, Jules s’interpose et désarme le tireur. Passé à tabac puis enfermé au cachot du camp, il meurt des suites de ses blessures le 7 septembre 1940, à 48 ans.

« Ce soir- là, un gamin dégourdi, d’environ cinq ans, aux cheveux roux et frisé comme un caniche, rampe sous les barbelés ; par précaution sa mère l’a attaché à une longue corde pour pouvoir le tirer en arrière. Le gamin se faufile dans les hautes herbes, se glisse sous les barbelés. À nouveau, beaucoup d’entre nous se sont rassemblés pour contempler le spectacle. Le garçon est presque arrivé de notre côté, son père lui tend la main, le sifflet du lieutenant retentit alors, un sergent d’un certain âge se précipite suivi d’une sentinelle, il repousse violemment le père, arrache le fusil de la main de la sentinelle et frappe l’enfant à coups de crosse, peut-être tout simplement pour lui faire peur et le chasser. Une terrible effervescence se déchaîne. Le lieutenant de quartier siffle à nouveau, deux autres sentinelles arrivent en courant, le sergent charge son fusil et s’apprête à épauler. À ce moment-là, telle une panthère, une forme saute sur lui, le fusil s’abaisse, un coup part dans le sol. Les coups de crosse des gardes venus en renfort claquent sur le dos et les épaules de Jules.

Il est allongé par terre.

Le lieutenant bondit en avant, le sifflet à la bouche. La compagnie d’alarme arrive en courant avec deux mitrailleuses. Les gardes nous repoussent à coups de crosse et de canon de fusil. Je ne vois plus qu’une mare de sang dans la poussière noire du mâchefer. »

Jules, Friedrich Wolf

L’inhumation d’Aron Langer. Illustration de Georg McKing pour l’édition originale de « Jules » de Friedrich Wolf, Berlin, 1948 ©Editions Lied der Zeit

Il est enterré au cimetière du camp du Vernet d’Ariège.